Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Des tueurs récupérables ?

mardi 25 octobre 2011
par  CALAIS-CLASSE

 

Dans Tout, tout de suite de Morgan Sportès, les phrases des citations mises en exergue m’attirent particulièrement. En effet, à chaque début de chapitre, une citation ou plusieurs introduisent le récit. Que ce soit celle de Nietzsche ou celle de Flaubert, je les ai trouvées presque toutes assez pertinentes. Elles permettent une réflexion sur la société dans laquelle nous vivons, sa décadence morale ou sociale, l’économie ou encore la culture. Il est souvent question de barbarie aussi.

 

La toute première citation est celle qui m’a le plus marquée : “Quand le citoyen-écologiste prétend poser la question la plus dérangeante en demandant : quel monde allons-nous laisser à nos enfants ?”, il évite de poser cette autre question, réellement inquiétante : “A quels enfants allons-nous laisser le monde ?”, citation extraite de L’abîme se repeuple de Jaime Semprun. Quand je l’ai lue, je me suis dit que cette citation avait tellement de sens. Elle illustre bien le livre puisqu’il est bel et bien question de cette jeunesse qui parcourt les rues, des “petites bandes de banlieues”. En effet, on peut se demander si le monde va vraiment être laissé à de jeunes irresponsables et délinquants comme eux ou pas. Ces gosses dénués de morale sont capables du pire, et leur environnement ne fait qu’empirer les choses. Leur parcours scolaire est généralement chaotique, ils sont soumis aux lois de la cité, et leur famille n’est pas tout le temps le genre de modèle de conduite qu’ils devraient avoir. Les mots sont aussi surprenants, le lexique judiciaire et celui de la violence sont très souvent utilisés. Le langage est assez spécial car le vocabulaire choisi correspond totalement aux personnages de ce livre.

 

Morgan Sportès adopte un style très particulier dans son roman. En effet, il adopte celui du dépouillé, de l’argotique dans certains dialogues, du familier, voire du dérangeant. Il fait cela pour se rapprocher au maximum du caractère des délinquants dont il raconte l’histoire. Il parle comme eux, se "rabaisse" (je cite) à leur niveau mental, intellectuel, qui n’est vraiment pas brillant. Parfois, cela peut devenir plutôt pénible à lire, car nous avons l’impression d’être nous-mêmes des délinquants à force de penser comme eux, même si au fond, il est quand même impossible d’entrer en empathie avec eux. Par exemple, les phrases "Le Boss, faut pas le niquer. Quand on prend un engagement avec lui, y’a intérêt à le respecter. Il est calibré ! " page 15, ou encore "Il a un portable pour ses rapports avec sa famille, ses amis, et sa meuf officielle, Nathalie ; et un autre pour les filles de passage, les taspés, et son bizness" page 73, montrent bien les pensées qu’ils peuvent avoir. Ce style dérangeant, en plus de l’histoire qui est assez terrifiante, peut rendre le livre assez fatigant à lire, même si ce livre me plaît. Le discours indirect libre joue donc un grand rôle dans ce roman. Nous nous exprimons le plus souvent comme nous pensons, en essayant de structurer le tout, le langage est la pensée. Ici, le langage montre bien que, comme ces jeunes gens n’ont pas de réel langage, pas de bons mots, pas de phrases structurées, plutôt que de parler, "ces voyous incompétents", "ces malheureux gamins de banlieue", selon Sportès, se voient obligés de passer à l’acte et commettre leurs crimes directement. Le mal social est donc présent dans leurs esprits, la puérilité moderne est de mise. Chaque chapitre est donc un coup de poing dont nous, lecteurs, sommes les victimes.

Margaux R.



30/10/2011
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