Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Monsieur le commandant - Romain Slocombe


La cruauté est le remède de l'orgueil blessé. Nietzsche

mardi 1er novembre 2011
par  CALAIS-CLASSE

 

Passer du côté obscur de l’histoire, prendre la place du salaud ce n’est pas seulement innovateur, c’est aussi très intéressant dans la mesure où cela permet de regarder les évènements historiques d’un œil différent, de comprendre les raisons de l’infamie humaine. C’est ce que fait Romain Slocombe dans Monsieur le Commandant. Son roman prend la forme d’une longue lettre détaillée, une sorte de confession qui retrace l’histoire de Jean-Paul Husson, un académicien sexagénaire qui se révèle être un véritable monstre. En effet ce dernier voue une haine pour les juifs, protestants, métèques et francs-maçons, les rendant responsables du déclin de la France, se montrant donc partisan du régime de Vichy. Lorsqu’il découvre que sa jeune et séduisante belle-fille d’origine allemande dont il est secrètement amoureux est issue d’une famille de juifs, Husson va à l’envers de ses principes et tente de la protéger. Cependant, Isle n’est qu’une exception car l’académicien n’hésite pas à dénoncer un grand nombre de juifs sans la moindre pitié. Cette fiction passionnante et bouleversante inspirée de la réalité relate de façon très intéressante l’égoïsme et la cruauté de l’être humain dans les pires situations ; dans ce récit la solidarité n’a plus vraiment de sens. De plus, ayant rencontré Romain Slocombe et ayant eu l’occasion de discuter quelques peu avec lui au sujet des recherches qu’il a faites pour écrire ainsi que ses sources d’inspirations, j’apprécie d’autant plus ce roman. Je le conseille donc à tous ceux qui ont soif de nouveauté et d’émotions.

Mathilde


01/11/2011
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L'Histoire et sa grande hache...

dimanche 30 octobre 2011
par  CALAIS-CLASSE

 

« Ecrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite ». Voilà ce que nous promet l’édition des Affranchis. Pourtant la lettre de Paul-Jean Husson à Monsieur le Commandant a dû avoir des semblables sous l’Occupation.

Le narrateur de cette fiction est un homme très antipathique. Certes, il est académicien Goncourt et journaliste, mais il partage les idées d’extrême droite et est vraiment très antisémite. Après avoir insulté les populations juives dans ses articles, il écrit une lettre de délation, contre sa belle-fille.

 

Evidemment, le fond n’est pas banal. Monsieur le Commandant nous permet d’adopter le point de vue d’un antisémite qui se prend de passion pour sa belle-fille juive. On aurait pu imaginer le dilemme de cet homme, déchiré entre ses sentiments et ce qu’il pense être son devoir… A première vue, ce roman a tout pour séduire. Mais, ouvrez-le et plongez vous dans les premiers chapitres…

 

Ce qui peut poser problème, c’est la forme. Comment réussir à lire un roman où l’on trouve une réflexion antisémite toutes les trois phrases ? Alors, on essaye de continuer, mais tout va de mal en pis : Paul-Jean Husson accuse sa petite fille Hermione d’être responsable de la noyade de sa fille Jeanne, puisqu’elle est juive par sa mère, il la traite comme un être de sang-mêlé, un sous-être humain, et c’est bien ce rapport aux autre qui est insupportable. Il la décrit comme un enfant du diable, et s’imagine que sur son visage rejaillissent les caractéristiques propres aux Juifs, comme se l’imaginaient les Nazis. Le narrateur est englué dans son antisémitisme et rien ne pourra lui faire changer d’opinion. Pendant la maladie de sa femme, il fait une enquête sur Ilse, et c’est à ce moment là que ses soupçons sont confirmés. Alors, il décide de ne rien lui dire au cas où cela aggraverait son état.

 

C’est à peu près à cet endroit-ci du roman que j’en ai eu plus qu’assez de ces réflexions. Mais, par curiosité malsaine, je me suis quand même intéressée aux dernières pages… Ce que j’y ai lu ne m’a pas étonnée. Paul-Jean Husson a eu une relation adultérine avec sa belle-fille, qui se retrouve enceinte. Cependant, il recommande à Monsieur le Commandant de prendre soin d’Ilse. Ne saurait-il pas qu’il la condamne aux camps et aux chambres à gaz ? Et s’il l’avait su, l’aurait-il tout de même dénoncée ?

 

Les documents annexes constituent une sorte d’épilogue, où l’on apprend le destin des personnages, le sadisme avec lequel on ment aux prisonniers en leur disant qu’ils vont prendre une douche, la manière dont les corps sont sans ménagement enterrés dans une simple fosse… Le roman de Romain Slocombe, qui, lui, n’est pas antisémite, comme il nous l’a confié pendant l’entretien du 21 octobre, rappelle la phrase d’ouverture de la Cliente de Pierre Assouline, « on en finira jamais avec cette histoire ». La preuve ? On écrit encore sur elle.

Florentine


30/10/2011
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La putrescence d'un personnage

mardi 25 octobre 2011
par  CALAIS-CLASSE


Le personnage de Paul-Jean Husson créé par Slocombe dans Monsieur le commandant est abject. Mais un tel personnage peut-il sans problème être personnage principal d’un roman ?

 

 

Il est vrai qu’un personnage négatif peut très bien être un personnage de roman : il est toujours bon de savoir comment de sales gens réagissent face à certaines situations. De plus, ce fait offre un effet dérangeant à l’œuvre... En effet, on peut se sentir plus proche de ce personnage alors même que dans Monsieur le commandant, Paul-Jean Husson, pétainiste invétéré, grand admirateur du nain moustachu, antisémite hystérique, nous répugne. Ce rapprochement révèle alors une fois de plus la nature humaine, odieuse et hypocrite. De plus, force est de constater que les personnages les plus intéressants sont ceux qui sont le plus ignoble.

 

Si l’on devait comparer cet ignoble Paul-Jean Husson au brave Limonov de Carrère, on ne trouverait que l’extrémisme et l’hypocrisie, ou du moins la mauvaise foi. Car Limonov considère comme minable l’antisémitisme ainsi que l’intellectuel de base ; ce à quoi correspond totalement Paul-Jean Husson. Enfin, Limonov cherche à être un rebelle face à la société, une nouvelle fois, cela n’est pas le cas de Husson. Au fond, le petit Edouard n’est pas bien méchant, il est juste idiot de se croire supérieur aux autres par son comportement de "rebelle". Husson est finalement, lui aussi, un véritable imbécile par son antisémitisme primaire et son avilissant comportement envers le commandant. Non, si l’on devait comparer Husson, ce serait à Céline, à ceci près que Paul-Jean Husson garde toute sa “raison”, qu’il ne délire pas et que ses écrits bien-pensants ne doivent pas être bien fameux.

 

De plus, notons ce personnage qui exhorte le retour des Français à la terre et aux anciennes valeurs se contente de vivre de ses rentes et de ses pamphlets antisémites et a pour loisir de forniquer avec les paysannes.

 

La forme épistolaire de ce roman renforce la bassesse du comportement de Husson envers le commandant nazi et nous permet de connaitre pleinement son point de vue : ce n’est plus l’auteur qui décrit un personnage odieux, c’est le lecteur qui doit trouver ce personnage odieux. A vrai dire, ceci est une très bonne idée.

 

RP

 


30/10/2011
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21 octobre à Lille : les réponses de Romain Slocombe

 
 
dimanche 23 octobre 2011
par  CALAIS-CLASSE

 

Romain Slocombe nous a éclairés sur son roman Monsieur le Commandant car de nombreuses interrogations se sont fait ressentir à son sujet.

 

Il a, lui aussi, commencé par parler de son titre : il parlait d’un ancien combattant qui était bien entendu Commandant et c’est lui qui dedans écrit la lettre. Par ailleurs, nous nous sommes demandé pourquoi il mettait comme personnage principal un antisémite aussi ignoble dans son texte : était-il lui aussi de cet avis ? Mais heureusement, il nous a rassurés ! Il nous explique qu’il a fait cela pour être original car ce n’était pas courant d’adopter le point de vue d’un sale type. Ce qui lui a donné cette idée est que dans sa famille dans le passé, il a connu l’antisémitisme, il a entendu ce vocabulaire ignoble et il a voulu se mettre à leur place, car il ne comprenait pas leurs paroles. C’est pourquoi il a écrit en se mettant à la place d’un antisémite ! Cependant il nous avoue que se mettre à leur place et insulter les juifs, penser comme les antisémites, être ignoble tout simplement, fut terriblement difficile pour lui.

 

Par ailleurs, il nous éclaire sur le fait qu’il est un écrivain de fiction sur du réel, il utilise des personnages imaginaires mais parle de fait réels. Il crée des personnages en creux en se mettant dans leur peau, pour provoquer l’indignation auprès des lecteurs. Il s’est beaucoup inspiré de la littérature de l’époque et s’est aidé de l’Histoire pour faire son roman. Mais il s’est aussi servi de choses trouvées sur internet, un témoignage y était présent sur les deux fillettes juives arrêtées à la gare. Ensuite, il nous avoue qu’il s’est inspiré des mémoires de Man Ray qui fut à la fois un peintre, un photographe et un réalisateur de film, qui a connu cette période où la haine contre les juifs était terrible. Il a donc pu trouver des détails dans ces mémoires pour nourrir son histoire. Un grand travail de recherches s’est installé pour la création de son livre.

 

Par la suite, il nous a raconté une histoire qui lui était arrivé, alors qu’il était avec sa mère au moment de la guerre d’Algérie : ils se trouvaient dans leur voiture et sa mère qui conduisait a renversé sans faire attention un Algérien, ils se sont donc tous retrouvés dans un commissariat, et là surprise, l’Algérien a pris peur ; l’un des policiers lui répétait : ’’Arrête de faire semblant’’ et a dit à sa mère : ’’Vous auriez dû l’écraser madame’’. C’est quelque chose qui les a choqués tous les deux (et nous aussi !). C’est un exemple qui montre la discrimination qui existe entre les hommes, on ne s’attend pas à entendre cela, et encore moins venant d’un agent de police. C’est une raison pour Romain Slocombe d’écrire sur eux, pour les dénoncer, pour que les lecteurs s’indignent de ce qu’il s’est passé pendant ces terribles guerres. Et Slocombe se dit comme un auteur engagé.

 

Enfin, il remercie tout le monde pour sa sélection au Goncourt ! C’est un auteur qui m’a touchée, j’ai vraiment aimé cette rencontre, j’ai bien compris ces raisons d’écrire ce roman et je le félicite, c’était très émouvant.

Léa.

 

 

 

 

 


30/10/2011
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