Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Comme une bête : un roman dévorant

Joy Sorman sera parvenue à me faire adorer son œuvre, bien qu’une simple course à la boucherie suffise à me donner des hauts le cœur.


En plus du sujet pour le moins original, la complexité du personnage principal apporte un intérêt supplémentaire à l’œuvre. Celui-ci s’appelle Pim, on pourrait se passer de l’adjectif qualificatif « principal » : il est le seul personnage auquel on accorde plus de quelques phrases, le seul à propos duquel on dispose d’informations. D’ailleurs, j’ai trouvé ce choix très avantageux, puisque l’inconséquence des personnages qui interagissent avec le protagoniste permet de mieux s’intéresser à Pim lui-même. Rien que par son nom, Pim est intriguant, est-ce vraiment un nom ? A quoi fait-il penser ? J’aurais pu imaginer un tas de Pim différents : Pim le clown, Pim le héros de dessin animé, Pim le hamster même… mais sûrement pas Pim le boucher. Et quel boucher ! Il est calme et réservé, grand et maigre, bien qu’un boucher maigre ne fasse pas vendre comme il est dit dans le livre, il est agile de ses mains et pleure régulièrement, personne ne sait pourquoi. Mais, si nous devons retenir quelque chose de ce jeune homme singulier, c’est son amour des bêtes… et surtout de leur viande.

 

La relation qu’il entretient avec les vaches est cependant plus complexe, elle est obsessionnelle, jusqu’à, je pense, frôler les limites de la folie. Pim est énigmatique, je ne réussis pas à le cerner, il préfère la boucherie aux êtres vivants, allant jusqu’à apparenter ses conquêtes à des bovins ou à se déshabiller pour suivre le parcours des cochons à l’abattoir sans être repéré. Son comportement est souvent paradoxal, il s’évanouit en voyant les animaux se faire dépecer à la chaîne et l’odeur du sang peut lui donner la nausée, il est cependant le meilleur boucher, il est fasciné par la viande et manie le couteau comme personne. Je qualifierais ce personnage de troublant et déstabilisant, il semble instable et prêt à déraper à tout moment, à se laisser aller à sa folie pour la viande. Il nous étonne davantage car nous assimilons plus volontiers un boucher à quelqu’un de jovial, de commerçant, à quelqu’un sans histoires.

 

Ensuite, un autre aspect intéressant est la réflexion amenée par le livre. Dans plusieurs de ses passages, les hommes deviennent si proches des animaux ou inversement qu’il est dur de faire la différence. Par exemple, l’anecdote du cochon tueur, qui est une sorte de parenthèse à l’histoire de Pim, met en scène un porc qui sera traité comme un humain et vivra un procès et une condamnation à mort. De plus, il est répété à plusieurs reprises que Pim aime les animaux, et que c’est pour cette raison qu’il les mange, encore un paradoxe. Manger de la viande en revient presque à un crime passionnel, et Pim serait un de ces meurtriers qui clame aimer leur victime et avoir agi par amour.

 

Enfin, j’aurais appris énormément de choses sur la boucherie dans ce livre, bien que je n’aie aucunement l’intention d’en faire mon métier, et si je n’étais pas déjà persuadée de ce fait, les descriptions sanglantes auraient achevé de m’en convaincre. Le chapitre dans lequel Pim découvre les coutumes de différentes civilisations est également enrichissant et rend plus trouble encore la psychologie de ce dernier, qui s’imagine cannibale. Un des grands questionnements de l’Humanité à propos de notre subsistance est aussi présent : les Hommes seront-ils bientôt contraints de se nourrir d’insectes ? Je préfère ne pas penser à cette éventualité…

 

En tout cas, une chose est sûre : vous ne verrez plus votre boucher de la même façon.

Claire



09/11/2012
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