Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

L'Histoire et sa grande hache...

dimanche 30 octobre 2011
par  CALAIS-CLASSE

 

« Ecrivez la lettre que vous n’avez jamais écrite ». Voilà ce que nous promet l’édition des Affranchis. Pourtant la lettre de Paul-Jean Husson à Monsieur le Commandant a dû avoir des semblables sous l’Occupation.

Le narrateur de cette fiction est un homme très antipathique. Certes, il est académicien Goncourt et journaliste, mais il partage les idées d’extrême droite et est vraiment très antisémite. Après avoir insulté les populations juives dans ses articles, il écrit une lettre de délation, contre sa belle-fille.

 

Evidemment, le fond n’est pas banal. Monsieur le Commandant nous permet d’adopter le point de vue d’un antisémite qui se prend de passion pour sa belle-fille juive. On aurait pu imaginer le dilemme de cet homme, déchiré entre ses sentiments et ce qu’il pense être son devoir… A première vue, ce roman a tout pour séduire. Mais, ouvrez-le et plongez vous dans les premiers chapitres…

 

Ce qui peut poser problème, c’est la forme. Comment réussir à lire un roman où l’on trouve une réflexion antisémite toutes les trois phrases ? Alors, on essaye de continuer, mais tout va de mal en pis : Paul-Jean Husson accuse sa petite fille Hermione d’être responsable de la noyade de sa fille Jeanne, puisqu’elle est juive par sa mère, il la traite comme un être de sang-mêlé, un sous-être humain, et c’est bien ce rapport aux autre qui est insupportable. Il la décrit comme un enfant du diable, et s’imagine que sur son visage rejaillissent les caractéristiques propres aux Juifs, comme se l’imaginaient les Nazis. Le narrateur est englué dans son antisémitisme et rien ne pourra lui faire changer d’opinion. Pendant la maladie de sa femme, il fait une enquête sur Ilse, et c’est à ce moment là que ses soupçons sont confirmés. Alors, il décide de ne rien lui dire au cas où cela aggraverait son état.

 

C’est à peu près à cet endroit-ci du roman que j’en ai eu plus qu’assez de ces réflexions. Mais, par curiosité malsaine, je me suis quand même intéressée aux dernières pages… Ce que j’y ai lu ne m’a pas étonnée. Paul-Jean Husson a eu une relation adultérine avec sa belle-fille, qui se retrouve enceinte. Cependant, il recommande à Monsieur le Commandant de prendre soin d’Ilse. Ne saurait-il pas qu’il la condamne aux camps et aux chambres à gaz ? Et s’il l’avait su, l’aurait-il tout de même dénoncée ?

 

Les documents annexes constituent une sorte d’épilogue, où l’on apprend le destin des personnages, le sadisme avec lequel on ment aux prisonniers en leur disant qu’ils vont prendre une douche, la manière dont les corps sont sans ménagement enterrés dans une simple fosse… Le roman de Romain Slocombe, qui, lui, n’est pas antisémite, comme il nous l’a confié pendant l’entretien du 21 octobre, rappelle la phrase d’ouverture de la Cliente de Pierre Assouline, « on en finira jamais avec cette histoire ». La preuve ? On écrit encore sur elle.

Florentine



30/10/2011
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