Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

La Vérité sur l’affaire Harry Quebert : véritablement captivant

Je commencerai cette critique en conseillant de ne pas se laisser décourager par l’épaisseur de ce roman de Joël Dicker. Bien au contraire, il se peut qu’une fois arrivé à la dernière des quelques six cent soixante-dix pages, vous regrettiez qu’il n’y en ait pas eu plus.

 

Tout d’abord, la lecture est agréable et rapide grâce à la fluidité et à la simplicité de l’écriture, qui seront peut-être déplorées par certains mais qui permettent, selon moi, de se concentrer sur l’action.

 

Et une chose est sûre, l’action ne manque pas dans ce livre puisqu’elle en est l’essence. Vous serez très certainement captivé jusqu’à la dernière page car tous les nœuds de l’intrigue sont dénoués les uns après les autres et nous n’obtenons de véritable réponse qu’à la lecture du dernier chapitre. En effet, le lecteur est plongé au cœur de l’enquête sur la disparition d’une jeune fille de quinze ans dont on a retrouvé récemment le cadavre. Cette disparition ayant eu lieu des décennies auparavant, nous nous retrouvons transportés de notre époque à celle du drame, aspect que je trouve positif : nous bénéficions de deux histoires en parallèle et le suspense est ainsi plus intense puisque nous nous demandons ce qui s’est produit par le passé, et donc, aussi ce que les enquêteurs découvriront dans le présent. Les indices découverts sont d’ailleurs l’objet de flash-backs qui permettent de rendre plus claires les avancées de l’enquête.

 

Un autre intérêt de cette double énonciation repose sur les personnages. Nous avons, en effet, l’occasion de constater leur évolution pendant les décennies qui ont séparé le meurtre de l’enquête puisque la grande majorité des personnes de l’entourage de la victime sont encore en vie et deviennent ainsi des suspects. Bon nombre de ces personnages, bien qu’ils puissent a priori être considérés stéréotypés, sont touchants puisque nous découvrons petit à petit de nouveaux aspects de leur personnalité. Toutefois, certains d’entre eux restent caricaturaux, je pense ici à la mère surprotectrice et étouffante de Marcus, le narrateur, et à son agent cupide qui ne possède aucune morale. Je pense cependant que cette caricature est volontaire et qu’il faut la prendre au second degré, nous voyons d’ailleurs qu’ils sont deux des personnages les moins exploités du roman et qu’ils apportent simplement une touche comique. Les relations des personnages essentiels sont, pour moi, ce qui les rend touchants : je prendrais pour exemple l’amitié solide unissant Marcus et son mentor Harry Quebert, le principal suspect. L’auteur réussit d’ailleurs un tour de force quant à la relation de ce dernier avec Nola, la victime. En effet, à la lecture du résumé, je trouvais révoltant le fait que ces deux personnages aient entretenu une liaison malgré leur différence d’âge, Nola ayant seulement quinze à l’époque du drame alors que Quebert en avait plus de trente. Cependant, Joël Dicker réussit à rendre leur histoire acceptable grâce aux sentiments authentiques qu’il décrit.

 

Les changements de point de vue sont également intéressants. Nous sommes témoins de plusieurs moments de la vie de nombreux personnages lorsque ceux-ci sont interrogés dans le cadre de l’enquête et nous les comprenons de mieux en mieux au fil du récit car nous prenons conscience de leurs émotions respectives.

 

Les émotions ne sont pas seulement au rendez-vous pour les personnages, mais aussi pour le lecteur. En effet, le livre passe du comique au pathétique. Ainsi, j’ai trouvé très divertissant le passage où Marcus nous conte ses années de lycée pendant lesquels il a usurpé le titre de « formidable » en usant de stratagèmes plus abjects les uns que les autres. D’autres passages inspirent la pitié ou la compassion puisque nous assistons aux épisodes les plus difficiles de la vie des personnages. De plus, certains aspects du livre sont surprenants, comme la comparaison assez inattendue de la littérature à la boxe et j’ai trouvé que de nombreuses remarques étaient très justes. Je fais référence, non pas aux remarques sur l’Amérique, auxquelles je n’ai pas vraiment prêté attention, mais aux remarques sur les sentiments humains. Ceux-ci sont omniprésents car les actions des personnages sont engendrées par leurs sentiments et non par des mobiles plus terre à terre, ainsi ils agiront par amour et non par cupidité.

 

Vous aurez compris que j’ai adoré ce roman et, quand je me voyais contrainte de le fermer, je ne pensais qu’à le rouvrir. Je le range donc dans la catégorie de romans dont je suis pressée de connaître le dénouement, mais que je serais presque triste d’avoir fini pour n’avoir pas pu en profiter plus longtemps. Pour lui trouver des points négatifs, je devrais m’attarder sur des détails, comme les chapitres numérotés dans l’ordre décroissant – ce dont je n’ai pas saisi l’utilité – ou encore le côté cliché de la petite ville de ploucs perdue au fin fond des Etats-Unis avec son fast-food miteux et ses policiers arriérés. Toutefois, je juge ces détails insignifiants face aux innombrables qualités que j’ai trouvées à ce roman, et je ne les aurais pas même remarqués si je n’avais pas disposé d’autre avis que le mien sur ce livre, dont je garderai donc un excellent souvenir.

 

Néanmoins, je lui aurais étonnamment préféré Comme une bête de Joy Sorman pour le prix Goncourt des lycéens, pas forcément parce que je l’ai apprécié d’avantage mais parce qu’il a été pour moi une énorme surprise contrairement à la Vérité sur l’affaire Harry Quebert. La prise de risques dans cette œuvre est, en effet, beaucoup moins importante que dans le roman de Joy Sorman car il est extrêmement plus simple de faire aimer à des lycéens une intrigue policière aux multiples rebondissements que la plongée dans la vie d’un boucher.

 

Claire

 



17/11/2012
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