Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Limonov, ou l’incarnation de l’esprit russe


mardi 20 septembre 2011

par  CALAIS-CLASSE

 

L’idée que je me suis toujours faite des Russes est celle d’un peuple rude, dur, courageux, mais aussi autoritaire, et il en fallait de l’autorité pour lutter face aux cohortes fanatisées de Hitler. Bien qu’eux-mêmes soient poussés par la même forme de totalitarisme en la personne de Staline, il m’a semblé que le seul peuple de culture occidentale à consentir à de tels sacrifices humains (un peu plus de 20 millions de morts) était les Russes. Et, force est de constater que les quelques Russes qu’il m’ait été donné de rencontrer ainsi que ce livre donnent raison à cette idée.

 

En effet, ce roman a pour héros Limonov, personnage existant encore actuellement reconverti en prêcheur de la démocratie et des droits de l’homme alors que justement, il a méprisé tous ces idéaux instillés par les "couilles molles d’occidentaux", c’est du moins ce qui se ressent en lisant ce bouquin.

 

Je n’ai donc eu que peu d’estime pour ce héros ; celui-ci, dès son plus jeune âge a rêvé soit de dominer la société, soit d’aller à son encontre, ce qu’il n’a jamais cessé de faire. Bien sûr, le fait d’être à l’encontre de la société ne me gêne pas le moins du monde, non, ce qui me gêne, c’est que Limonov semble aller exactement et systématiquement dans la voie contraire que prend chaque société qu’il côtoiera. Or, les choses ne sont bien évidemment jamais si simples : si on juge le capitalisme putride en tant que prolétaire, il en sera de même avec le "socialisme" à la Staline. Ainsi, Limonov prêchera après la chute de l’URSS que le communisme était finalement très bien même si paradoxalement, il s’est exilé en 1972. Et, encore une fois, un semblant de paradoxe apparaît : les Russes ne sont que peu hostiles à ce genre de parole et détestent Gorbatchev pour avoir ruiné le pays, puisque, comme tout bon nationaliste, ils aiment à avoir un pays fort qui inspire la crainte.

 

Et pourtant, ce beau condensé anarchiste, fasciste et communiste que présente Limonov m’apparaît comme un minable, ne sachant cracher sa haine aux milliardaires qu’à travers ses autobiographies, ne "conquérant" l’underground soviétique qu’en "baisant une grosse" qu’il méprise et enfin, en jouant au soldat nationaliste serbe dans les Balkans. Néanmoins, comme le terme "jouant" peut vous l’indiquer, il y sera ridicule. Un autre point très irritant chez lui est le fait de ne supporter aucun rival. En effet, au vu du pouvoir autoritaire de Poutine, il serait normal qu’il soit parfaitement d’accord avec sa politique, mais, ce Limonov souhaite dominer, être le premier, le meilleur, le plus célèbre et il voit donc en Poutine un rival, tout comme il en a vu un en Brodsky lors de sa conquête de l’underground soviétique ; et cet égocentrisme, cette totale absence de distance envers soi-même le rend quelque peu idiot. Pire encore, sa perpétuelle quête de célébrité le rend d’autant plus ridicule que, voyant les faiblesses de l’humanité, la méprisant et se croyant le meilleur, il est étrange de vouloir à tout prix être reconnu comme tel puisque leur avis, en tant qu’êtres inférieurs à lui, devrait peu importer. Et, c’est d’ailleurs au Kazakhstan où il se trouve alors reclus et cesse de faire de l’esbroufe dans le but de briller qu’il accède à une certaine sérénité et qu’il m’est apparu comme presque sympathique.

 

En bref, ce personnage principal m’a fort irrité et, de ce fait, je ne peux affirmer que j’ai bien aimé ce roman ou cette biographie, je vous laisse le loisir de choisir. Certes, le livre est bien écrit, le style fluide mais voilà... Et, ce n’est pas tout, les avis de l’historienne de mère de l’auteur m’ont laissé plus ou moins perplexe, en plus de n’en avoir que faire ; comprenez-moi, en tant qu’historien, en faisant abstraction du nationalisme, on peut faire un travail de qualité, mais dès que l’idéologie s’en mêle trop, les historiens ont tendance à transformer l’histoire à leur propre compte et à une envergure telle que Big Brother par exemple, c’est pourquoi je considère parfois comme inutile de faire des recherches sur les deux derniers siècles à moins d’être libéré de tout préjugé politique, mais ce n’est pas le cas de madame Carrère d’Encausse... Je ne suis guère d’accord avec nombre d’entre eux, en particulier le passage sur les oligarques qui pillent la Russie sous Elstine : eux sont malhonnêtes mais leurs enfants grâce à l’éducation ne le seront pas ! Quelle vision romanesque du capitalisme ! Les enfants de ces milliardaires russes deviendront probablement plus élégants et vicieux, mais resteront toujours aussi pourris par l’argent que leurs prédécesseurs ! Il faut soit être diablement naïf, soit être de mauvaise foi, et je parierais pour la deuxième option, il en est de même pour l’auteur qui reprend sagement les propos de sa maman.

 

Cependant, je dois reconnaître que cela m’a tout de même laissé un agréable aperçu des mentalités russes ainsi que de leur culture. Foncièrement, ce n’est pas un mauvais livre, j’ai juste trouvé Limonov assez petit d’esprit, les quelques citations de la môman agaçantes. Mais en faisant abstraction de ses paramètres plus ou moins importants, on retire un plaisir évident et un savoir assez conséquent de Limonov.

RP



29/10/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour