Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

Sur les traces des Goncourt, lectures lycéennes

"Oh oui, fais-moi mal !"

lundi 31 octobre 2011
par  CALAIS-CLASSE

La sexualité dans le Système Victoria

 

Le Système Victoria est intrinsèquement lié à la sexualité, puisque toute la relation entre David et Victoria est basée sur cela. Tout au long du livre, il y a une gradation dans la dépravation.

 

Dans le premier chapitre, David est absorbé par la contemplation du corps de Victoria et se focalise sur ses pieds. Il est bon de remarquer que chez les Chinois les pieds bandés des jeunes femmes avaient un fort potentiel érotique. La chaussure est un symbole érotique car elle découvre aussi bien qu’elle dissimule. Mais, dans le cas de David, les talons hauts des escarpins en cuir vernis qu’il va offrir à Victoria évoquent l’univers sadomasochiste. Apparemment, la forme allongée que le talon confère au pied serait un symbole phallique. Pour le petit côté culture, Jayne Mansfield, que l’on retrouve dans un autre livre de la sélection Goncourt, possédait deux-cents paires de talons aiguilles, qui était l’emblème de la femme de mauvais genre. Le narrateur du Système Victoria revêt aussi un côté pervers et effrayant, car il arrive à remarquer les taches de rousseur que Victoria a autour des yeux.

 

Dans le chapitre II, on apprend que David a eu beaucoup d’aventures d’un soir. Paradoxalement, elles ne durent qu’un soir parce qu’il aime sa femme. On se pose alors la question : mais pourquoi a-t-il une libido surdimensionnée ? A la page 59, il revoit Victoria, dans un restaurant. Ils mangent des huîtres, surtout David. Les huîtres sont réputées pour être aphrodisiaques, et quand on voit ce qui arrive par la suite, on n’en doute pas ! Casanova, le charmeur de ces dames débutait souvent ses repas en mangeant une douzaine d’huîtres, et tout le monde sait où cela l’a mené ! Pendant, le dessert, David nous dit que « [ses] lèvres se referment sur la cuillère que [lui] présente [le]bras tendu [de Victoria] », ce qui est sans conteste un geste érotique…

 

Pendant la quatre-vingtième page, il se focalise sur le décolleté de Victoria, appelé encore aujourd’hui « le bénitier du Diable » (si, si, demandez à vous grands-mères !). S’ensuit la première des scènes à caractère sexuel, qui s’achemineront vers le pornographique. Cette première communion est brusque, brutale. Ce qui est vraiment décrit en détails, c’est le moment où ils se déshabillent. On y découvre à travers les yeux de David, le pouvoir érotique d’un corps. Pendant ce temps-là, il ne pense plus à son travail. C’est à ce moment là que l’on découvre que David n’arrive pas à jouir, ce qui est un autre des mystères qui l’entourent.

 

Une réponse nous est apportée au chapitre IV, une analepse, qui nous raconte ses premières frasques et sa rencontre avec Sylvie, qui va devenir sa femme. Le père de Sylvie est un militaire, qui leur interdit d’avoir des relations charnelles. Cela pourrait expliquer son problème de libido, trop longtemps bridée, elle s’exprime dès qu’elle peut, et aussi son problème d’éjaculation.

 

Dans le chapitre V, David pense tout le temps à Victoria et à son intimité, comme page 195. A mesure qu’il devient de plus en plus obsédé par cette femme, il l’est proportionnellement par la tour dont il est chargé de diriger les travaux. Ce qui est logique, si on considère que la tour est un symbole phallique, qui s’élance vers le ciel. Il est de plus en plus soumis à Victoria, qui joue avec lui comme avec une poupée. Ils rentrent tous deux dans un jeu de correspondance. Victoria envoie à David des pages de son journal intime. On peut par exemple noter l’épisode de la banane, symbole phallique, puisque le fantasme qu’il révèle est un tournant pour le roman.

 

Entre temps, David découvre le jeu de Victoria avec les hommes, le jouet qu’ils ne sont que pour elle. Il essaye de rompre toutes relations avec elle, mais il ne peut s’empêcher de retourner vers elle, la "queue entre les jambes"(dans les deux sens du terme). Victoria a cette capacité de tout tourner à son avantage, même quand elle est fautive.

 

Le paroxysme de leur dépravation est atteint dans le dernier chapitre, quand ils se rendent dans un cinéma pornographique. Là, ils exposent aux yeux de tous leurs ébats, qu’ils partagent même avec d’autres spectateurs. C’est l’appétit sexuel de Victoria qui la perd, puisqu’elle part ensuite avec deux Polonais et n’est retrouvée le lendemain, morte, dans une forêt. Forêt, qui soit dit en passant, est constituée d’arbres, qui comme la tour, sont des symboles phalliques.

 

Durant tout le roman, la sexualité a une part aussi importante que la thèse que Reinhardt y développe sur la société capitaliste. La volupté charnelle, sauvage, est une échappatoire pour les deux protagonistes. Dans leur univers dominé par la réussite, ils n’ont pas d’autre solution. Ils sont dominés, surtout David, par leur travail, et ils n’essayent pas d’y échapper. Malheureusement, ils vont beaucoup trop loin et ne peuvent faire demi-tour.

Florentine



31/10/2011
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour